L’alimentation du veau de grain
Rappel des facteurs de succès

À l’origine, l’élevage du veau de grain au Québec s’est développé suite au constat suivant : le Québec dispose d’un bon bassin de population de veaux laitiers, leur valeur monétaire est faible en raison de l’absence de débouché et la ressource alimentaire de base, le maïs, est facilement accessible.

Ironiquement, la sélection génétique des bovins laitiers se fait en favorisant le caractère laitier, en contradiction avec les critères favorisant la production de viande et le développement de la masse musculaire. Plus la génétique des bovins laitiers se développe, plus le défi de produire de la viande est grand!

Bien entendu, les performances d’engraissement des veaux dépendent d’un ensemble de facteurs comme le poids et la santé du veau, le confort de l’environnement, la qualité de la l’alimentation et la régie de l’élevage.

Attardons-nous plus en détail sur certains paramètres de l’alimentation. Malgré quelques variantes, le programme alimentaire typique est composé d’un mélange de maïs grain entier et de supplément protéique. L’ajustement du mélange de ces deux ingrédients, proportionnellement au poids des veaux, permet de répondre aux exigences nutritionnelles tout en conservant la simplicité d’utilisation permettant l’automatisation des opérations de distribution. L’objectif étant de mener à terme le plus de veaux possible en respectant les standards de qualité et d’uniformité de la carcasse.

 

Régie de l’alimentation

Le bon mélange aux bons veaux.

Les besoins en protéine et en énergie du veau de grain sont inversement proportionnels dans le temps. Le besoin en protéine est à son maximum en début d’élevage puis il diminue à mesure que le veau vieillit. Pour l’énergie, c’est l’inverse.

Puisque la capacité d’ingestion du veau augmente constamment et que le mélange d’aliments est offert à volonté, le bon niveau d’énergie et de protéine s’obtient par le contrôle de la concentration du mélange. C’est pour cette raison que la source d’énergie (le maïs) prend de plus en plus de place dans la ration, alors que la source de protéine diminue (supplément protéique).

En réalité, la consommation journalière du supplément protéique est plutôt stable du début de l’engraissement jusqu’à la vente (1,3 kg à 1,7 kg de supplément par jour). C’est la quantité de maïs ingéré qui augmente graduellement jusqu’à 75 à 80 % du mélange.

Voici un exemple de plan d’alimentation :

Maintien de l’homogénéité du mélange

En distribuant le mélange maïs-supplément plusieurs fois par jour, il sera plus facile de maintenir l’homogénéité du mélange qui indique que les veaux consomment réellement la ration calculée. Une ration qui change d’apparence indique que les veaux trient soit le supplément, soit le maïs.

Mangeoire et stimulation de la consommation

Afin de maintenir l’intérêt des veaux pour la mangeoire, il est important de s’assurer que la mangeoire reste propre en tout temps. Un fond de mangeoire en matériau lisse sera plus facile à garder propre. Enlever les refus (ou les repousser aux veaux les plus âgés) et ajouter de l’aliment frais plus souvent. Le passage fréquent du robot d’alimentation stimule la curiosité des veaux et attire leur attention vers la mangeoire qui les incite à se lever pour se nourrir.

L’eau

Un veau de grain consomme de 3 à 4 litres d’eau par kilo de matière sèche ingérée. Tout défaut de consommation d’eau se traduit par une baisse de performance. L’analyse de laboratoire chimique et microbiologique est recommandée au moins deux fois par année. Une eau saline ou soufreuse réduira assurément la consommation d’eau par les veaux, qui conduira automatiquement à la baisse de la consommation d’aliments solides. Le maintien de la propreté des abreuvoirs est un défi constant en élevage. Un lavage fréquent des abreuvoirs et une routine de surveillance efficace qui réduisent le risque de désordres digestifs sont importants. 


Qualité de l’alimentation

Lactoremplaceur

Le lactoremplaceur constitue la presque totalité de l’apport en nutriments pour les veaux en début d’élevage. Le cahier des charges de la production de veaux de grain exige l’utilisation d’un lactoremplaceur d’au moins 18 % de protéine et d’un minimum de 14 % de matière grasse. Il est important de bien suivre le mode d’emploi du fabricant, tant au niveau des quantités que de la concentration, du temps de mélange, de la température de préparation et de la température de distribution. Les meilleurs résultats s’obtiennent avec un suivi rigoureux de la qualité de l’eau. Le maintien de la propreté des équipements est assurément le facteur le plus déterminant pour maintenir la santé.

Maïs grain

Le maïs représente plus des trois quarts de la consommation globale du veau. Il est riche en énergie et faible en protéine. Le maïs contient un peu de gras par l’huile qu’il contient, mais la principale source d’énergie vient de l’amidon, un sucre complexe. En pratique, il est incorporé aux mélanges sous sa forme entière. Malgré le fait que le traitement du grain a pour effet de rendre l’énergie plus facilement disponible, le servir entier aux veaux de grain est préférable afin d’augmenter le temps de mastication qui permettra une meilleure production de salive. La salive contient un antiacide naturel, le bicarbonate. Le grain cassé aura le même effet que les particules fines ou de farine dont la vitesse de dégradation est plus rapide et favorise la formation de gaz qui augmente le risque de ballonnement et d’acidose.

Le poids spécifique du maïs est la mesure du poids pour un volume donné. Il est exprimé en kg/hectolitre. Il est le reflet de la maturité du grain à la récolte. Le remplissage du grain s’effectue en fin de saison de croissance. Un gel mortel hâtif a pour effet d’arrêter ce processus. Résultat : des grains plus petits, des grains plus légers. Rappelez-vous la récolte 2019!

Pour imager la relation du poids par rapport au volume, utilisons l’exemple de la célèbre chaudière de 5 gallons pour comparer 2 lots de maïs de poids spécifique différent : un échantillon de grade n°1 à 70 kg/hl et un échantillon de grade n°3 à 64 kg/hl. Sachant que notre chaudière de 5 gallons équivaut à 18,9 litres, il y aura un écart de 1,05 kg entre notre maïs de grade 1 et grade 3 pour ce même volume. Extrapolé sur l’espace occupé dans un semi-remorque par 30 tonnes de maïs grade n°3, le remplacement de ce maïs par celui de poids spécifique de 70 kg/hl, le poids augmente à 32,8 tonnes pour le même espace occupé dans la remorque.

L’enjeu est différent en production avicole et porcine, mais pour le bovin de boucherie et le veau de grain, la meilleure façon d’amoindrir l’impact de cette différence est de s’assurer de calibrer nos mélanges sur une base de poids/poids plutôt que sur une base de volume/volume. En effet, un kilo de grains légers contiendra un plus grand nombre de grains, il occupera plus d’espace qu’un grain de poids supérieur, mais le poids y étant, l’écart est de beaucoup réduit par rapport à une calibration volume/volume. Les veaux compensent en ajustant leur consommation légèrement à la hausse. De plus, il faut tenir compte que le maïs classé #1 est aussi celui qui est le plus propre, qui contient le moins de particules fines et de grains cassés. Est-ce le poids spécifique du grade #1 qui nous porte à croire à sa supériorité, ou bien le niveau réduit de particules fines et de grains endommagés? Probablement un peu des deux. Une chose est certaine, il n’y a pas lieu de s’inquiéter si on passe d’un maïs grade n°1 ou n°2 à un maïs grade n°3 tout en calibrant nos mélanges en ratio poids/poids.

Dans certaines situations, l’ajout de matière grasse à la ration a été bénéfique, mais cette option doit être discutée avec votre conseiller en alimentation puisque le choix du type de matière grasse et la quantité ajoutée influenceront les résultats. Un excès de matière grasse aura un effet négatif sur la performance et la santé des veaux.

Supplément protéique

Le supplément protéique fournit suffisamment de protéine dans la mesure où la proportion dans le mélange est adaptée au stade de développement du veau. Le besoin en protéine est plus grand pour les veaux en bas âge, il diminue avec le temps. C’est pour cette raison que le ratio maïs/supplément augmente avec l’âge.

Minéraux et vitamines

Les veaux de grain ont besoin d’un apport complet en minéraux et vitamines. Les minéraux et vitamines sont normalement inclus dans le supplément protéique, mais pas toujours. Dans ce cas, il faudra en ajouter en surplus. Il faut se questionner si on rencontre des problèmes trop fréquents de calculs urinaires (blocage urinaire dû à la formation de cristaux dans la vessie) ou d’autres problèmes de santé ou de mauvais état du pelage.

Fibres

Il est permis, par le cahier des charges, de servir un peu de foin ou de paille de céréale jusqu’à un maximum de 5 % de la ration sur base telle que servie (ex. : 50 kg de paille/1000 kg de mélange). Considérant les normes de bien-être animal, l’ajout de foin ou de paille aux rations est une bonne pratique à mettre en place. Les veaux apprécient en consommer et cela réduit par le fait même le risque de ballonnement et d’acidose.

Mycotoxines

Les ruminants sont un peu moins sensibles à la présence de mycotoxines que les monogastriques. Puisque le maïs représente environ 75 % des aliments consommés, il est donc important de tenir compte de l’apport net dans la ration qui tient compte de la concentration et de la quantité de l’aliment servi. Retenons que la situation idéale est de ne pas servir d’aliments contenant des impuretés et contaminants. Dans le doute, il est possible de tester le grain en laboratoire afin de prendre une décision éclairée.

Médication

Votre vétérinaire déterminera avec vous si des additifs médicamenteux doivent être ajoutés aux aliments servis. Citons en exemple le Monensin, le Lasaloside Sodique, le Décoquinate ou la Tylosine. Le point important à retenir est de s’assurer que les quantités servies correspondent à celles indiquées sur la prescription.

Mesure des performances

Il est certain que les performances individuelles de chacun des veaux varient selon sa génétique et les conditions dans lesquelles ils sont élevés. Sur un lot de 100 veaux, 20 % atteindront leur poids cible rapidement, 60 % y parviendront presque tous en même temps alors que le dernier 20 % prendra plus de temps.

Selon la dernière étude veaux de grain du Centre d’études sur les coûts de production en agriculture portant sur 31 entreprises de 807 veaux en moyenne, le gain moyen quotidien (GMQ) moyen pour la totalité de la durée d’élevage est de 2,57 lb/jour sur 221 jours (1,63 lb/jour pour 65 jours en pouponnière et 2,98 lb/jour pour 155 jours en finition).

Afin d’imager l’importance du suivi du GMQ, imaginons une amélioration de 0,1 lb/jour de GMQ moyen. Le temps d’élevage global serait réduit de 8 jours, durant lesquels un veau aurait consommé environ 68 kilos d’aliment de finition. C’est l’équivalent de 68 tonnes d’aliments pour 1 000 veaux produits. Bien sûr, c’est un ensemble de facteurs qui peut mener à cette amélioration. Un veau qui reste en santé, dans un environnement facilitant, avec une alimentation de qualité pourra exprimer son potentiel génétique et assurer un niveau de performance adéquat.

Analyse des résultats d’abattoir

L’analyse des relevés d’abattage peut être un outil précieux quand vient le temps de trouver une solution à un problème :

  • condamnations importantes et régulières
  • nombre de condamnations de foie important
  • signalement de coupe sombre (dark cut)

 

Conclusion

Le consommateur nord-américain fait face une très grande diversité de l’offre quand vient le moment de choisir ses aliments à l’épicerie. Même face à cette abondance, sa consommation globale d’aliments n’augmente pas au-delà de ses besoins. Toutefois, cette abondance lui permet de faire des choix. Un aliment associé à une expérience agréable l’incitera à répéter dans le temps son geste d’achat. D’un achat à l’autre, le consommateur cherchera à retrouver les mêmes sensations : le goût, l’arôme, la texture. La constance et l’uniformité de la qualité du produit offert prennent ici toute leur importance, elles renforcent le sentiment de satisfaction du consommateur. Le choix d’un programme alimentaire adapté aux veaux de grain, jumelé à de bonnes pratiques permettra de tendre à uniformiser l’offre de produits des producteurs de veaux de grain.

 

Rédigé par :

François Massicotte agr.
Conseiller aux élevages spécialisés
Sollio Agriculture
francois.massicotte@sollio.ag